Une collectivité publique, qui par principe ne paie que ce qu’elle doit, peut-elle être condamnée à payer deux fois lorsqu’elle dirige mal son règlement ?
Telle était la question posée à la Cour administrative d’appel de Bordeaux.
Dans cette espèce, une entreprise titulaire d’un marché public de travaux cède sa créance au titre de ce marché à un établissement de crédit par acte de cession de créance professionnelle.
Cette cession est régulièrement notifiée au receveur municipal.
Les situations de travaux émises au fur et à mesure de l’exécution du marché, et donc de son financement, sont également cédées par bordereau Dailly.
C’est ainsi que trois situations sont mobilisées auprès de l’établissement de crédit mais ne font quant à elles pas l’objet d’une notification au comptable assignataire, qui procède à leur règlement directement au cédant, titulaire du marché.
L’établissement de crédit saisit le Tribunal administratif qui se fonde sur l’absence de notification des situations de travaux concernées pour rejeter sa réclamation, considérant que le paiement effectué au profit du titulaire du marché était libératoire.
Dans le cadre du recours exercé par l’établissement de crédit, la collectivité publique invoque, outre le caractère libératoire de son règlement, le principe selon lequel une personne publique ne peut être condamnée à payer une somme qu’elle ne doit pas, en l’état de son règlement adressé au titulaire du marché.
Par arrêt en date du 30 novembre 2022 (n° 20BX02418), la Cour administrative d’appel de Bordeaux condamne le maître d’ouvrage, en la personne de la collectivité publique, à payer les situations de travaux au profit de l’établissement de crédit cessionnaire sur le fondement de la cession du marché régulièrement notifiée.
Elle fait à juste titre application des règles du Code monétaire et financier en matière de cession de créances professionnelles, faisant ainsi primer l’adage « qui paie mal paie deux fois » sur le principe selon lequel une personne publique ne paie que ce qu’elle doit.